Tatouage en Polynésie









Le tatouage qui est pratiqué dans le monde entier aujourd'hui a des origines diverses, mais l'origine étymologique du mot est polynésienne. En effet l’art du tatouage est intrinsèquement lié à la culture polynésienne. Il traduit « ce qu’il y a de plus profond dans l’homme ». Aux Marquises par exemple, « c’est la peau qui fait l’Enata, qui le rend humain, mortel et non simplement esprit ». Elle est son image et l’expression de son identité qui reflète le passé, et dévoile le futur d’une lignée qui remonte à la nuit des temps. Le tatouage avait été transmis par les anciens, des ancêtres divinisés, des dieux et l’on devait s’en montrer digne, s’y préparer physiquement. Détourner cet art, et ses motifs, de leur destination originelle, c’était assurément risquer leur courroux. L'histoire du tatouage (tatau) est très difficile à retracer, car même s'il s'agit d'une pratique ancestrale, on ne peut pas encore la situer avec exactitude dans le temps.

Origines

Si on ne peut fixer une origine géographique précise à la pratique du tatouage, on suppose qu’elle est originaire du Sud Est asiatique et que sa dispersion a suivi le cheminement du peuple océanien. Il est devenu polynésien après s’être enrichi des motifs lapita que l’on retrouve dans tous les arts décoratifs : lignes parallèles, chevrons, cercles, triangles, « dents de requins », etc…

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Ethymologie

L'origine du mot tatouage vient d'Océanie. Roberson membre de l’équipage du capitaine Samuel WALLIS qui signale en 1767 dans son journal de bord : « cette coutume très particulière à ce pays ; à l’âge de seize ans ils peignent de noir les cuisses de tous les hommes et un peu plus tard ils font de curieux dessin sur leurs jambes et sur leurs bras ». Puis le capitaine britannique James Cook, à la fin du XVIIIe siècle, rapporte de ses voyages en Polynésie le terme de tattoo. Le mot tattoo vient du Polynésie. Le mot tatau est courante dans de nombreuses cultures polynésiennes. En tahitien tatau veut dire « frapper », qui dérive lui-même de l’expression « TA-ATOUAS », combinaison de la racine « TA », littéralement « dessin inscrit dans la peau », et du mot « ATOUA », qui signifie esprit. C’est en 1769 que le mot tatouage fit son entrée dans le langage courant, et en 1858 que le mot fut officiellement « francisé » et fit donc son apparition dans le dictionnaire Littré.

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La légende

Selon la légende en Polynésie, le tatouage serait d’origine divine. En effet, pendant le Pô, la pratique du tatouage aurait été créée par les deux fils du dieu Ta’aroa : Mata Mata Arahu et Tu Ra’i Po. Les deux frères faisaient partie d’un groupe d’artisans dont faisaient également partie un autre dieu, celui de l’habilité, et Hina Ere Ere Manua, fille du premier Homme. Lorsque Hina Ere Ere Manua devint une pahio, les deux dieux en tombèrent amoureux. Pour la séduire ils inventèrent le tatouage, s’ornèrent d’un motif appelé Tao Maro Mata et réussirent à enlever la jeune fille du lieu où elle avait été enfermée depuis qu’elle était devenue une jeune femme, car poussée elle aussi par le désir elle trompa la vigilance de sa « prison » pour se faire tatouer. C’est ainsi qu’est né le tatouage en Polynésie. Cette pratique fut d’abord utilisée par les deux fils du dieu Ta’aroa, puis ils transmirent leur savoir aux Hommes qui trouvèrent cette pratique très intéressante et l’utilisèrent en abondance. Les deux frères Mata Mata Arahu et Tu Ra’i Po devinrent ainsi les dieux du tatouage.

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Histoire

Avant l’arrivée des missionnaires, les Polynésiens n’utilisaient pas le langage écrit, transmettant leur savoir oralement. Les motifs symboliques des tatouages sur le corps permettaient d’exprimer l’identité et la personnalité d’une personne. Ils indiquaient également le rang social dans la hiérarchie, la maturité sexuelle ou encore la généalogie. L’art du tatouage était considéré par les Polynésiens comme Tapu et réservé aux seuls initiés. Traditionnellement il était surtout réservé aux classes supérieures (chefs de tribus).

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Le tatouage en Polynésie

Dans les îles de la Société, hommes et femmes portaient de tatouages sur les épaules, les bras et les jambes mais jamais sur le visage. Leurs fesses, uniformément bleues, étaient rehaussées du bas du dos jusqu’aux hanches par plusieurs rangées de motifs. La ligne brisée en forme de Z était le signe le plus communément utilisé. Les femmes le portaient sur toutes les articulations des doigts et des orteils. Il existait également des motifs plus stylisés réalisés à partir de formes humaines, animales ou végétales.

Les îles Australes se singularisaient des précédentes par la présence de bandes de la largeur d’une main tatouées sous les aisselles.

Dans les Tuamotu, la pratique était fort répandue à l’ouest, beaucoup moins à l’est. Les hommes de Rangiroa pouvaient être tatoués de la tête aux pieds à l’aide des motifs quelquefois irréguliers tels des lignes courbes, des cercles concentriques ou encore des damiers.

A Mangareva aux Gambiers, le tatouage était obligatoire. La pratique se distinguait des autres archipels par un cercle tatoué sous les aisselles des adolescents. Divisé en quatre, il était noirci progressivement durant l’existence de l’individu.

Mais c’est aux Marquises que l’art du tatouage était le plus raffiné. Fréquemment, les hommes y étaient entièrement tatoués y compris le crâne qu’il rasait ou sur des parties encore plus sensibles telles les paupières ou la langue. De larges bandes parallèles pouvaient encore leur traverser le visage. Les tatouages exécutés sur las femmes étaient plus restreints. Les zones du corps les plus généralement choisies étaient les lobes et l’arrière des oreilles, la base du dos, les jambes et les pieds. Il existait une grande variété de motifs : on en trouve répertorié plus de 400 : « ipu », « enata », « etua », « niho peata », « mata », etc. Mais la source d’inspiration principale est la représentation de tiki, à la fois divinité et premier humain. En Marquisien, tatouer se dit d’ailleurs « patu’i te tiki » littérallement frapper des « tikis ».

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Sens, rite de passage, rang social

Pour les polynésiens d’autrefois, le tatouage trouvait ses origines chez lzs dieux. Ce sont les deux fils de Ta’aroa qui, les premiers l’employèrent pour séduire leur sœur. Pour imiter leur exemple les hommes pratiquèrent à leur tour le tatouage. Le sens que donne la mythologie au tatouage est celui de la valeur esthétique et de l’attrait sexuel, mais ce n’est pas le seul. Au-delà de l’aspect décoratif le tatouage témoignait d’un passage : celui de l’enfance à l’âge adulte. Aux Marquises il était également signe de reconnaissance entre individus, marque d’appartenance à un groupe et barrière protectrice contre les influences maléfiques.

Le tatouage permettait une valorisation de l’individu, il le suit toute sa vie tout au long de son parcours. C’est à l’adolescence quand le garçon ou la fille sort de l’enfance pour devenir un homme ou une femme que commence ce processus de formation de marquage. L’individu est ainsi identifié à la communauté à laquelle il appartient, par des motifs le représentant le mieux en tant que personne. À ces signes premiers s’ajoutaient d’autres au fur et à mesure sur l’évolution de l’individu et de sa maturité sociale.

Plus l’Homme était tatoué, plus son prestige était grand. Etre tatoué était un signe de force, de pouvoir et de richesse pour l’individu. Par conséquent on pouvait observer les tatouages les plus élaborés sur les guerriers ou les chefs. Les individus non tatoués étaient méprisés tandis que ceux qui étaient entièrement tatoués de la tête au pied pouvaient jouir d’un grand prestige.

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La différenciation Homme/ Femme

Homme et femme ne portaient pas les mêmes tatouages. En effet, ceux des femmes sont moins ornés, mais sont cependant plus élégant et mieux exécutés que ceux des hommes. Elles portent leurs tatouages comme des parures. Les tatouages des femmes sont moins étendus que ceux des hommes, elles se limitent aux extrémités comme les mains, les pieds, les lèvres. Seules les femmes de haut rang (femme de chef) pouvaient avoir les cuisses et les fesses tatouées. Les hommes eux ont le corps entièrement tatoué. Seul le visage était respecté, à l’exception de certains guerriers ou prêtres qui portaient des emblèmes particuliers sur le front ou sur les lèvres.

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La renaissance d’une tradition polynésienne perdue

Peu après la découverte de la Polynésie part les missionnaires en 1797, l’art du tatouage fut banni. En effet cet art était considéré par les missionnaires comme « barbares » à cause des techniques de l’époque où l’on utilisait des dents de requins ou des os taillés pour tatouer. Elle disparut donc pendant plus de 150 ans. On a souvent voulu voir dans les interdits religieux et le code Pomare (1819) les causes de la disparition du tatouage. C’est un raccourci pratique mais simplificateur, car on peut penser que c’est plus la disparition du support, la nudité du corps, que la perte de sens des motifs qui a pu entraîner un déclin aussi rapide et complet du tatouage. Privé de son aspect érotique, le corps désormais caché par les vêtements européens, se vit de plus en plus amputé de son rôle de distinction sociale.

On redécouvrit le tatouage polynésien grâce aux notes et aux croquis du missionnaire allemand Karl Von Steinen qui avait fait plus de 400 schémas de tatouages polynésiens. Cette découverte a permis à quelques pionniers de réhabiliter le tatouage polynésien, au cours des années 1980, à l’occasion des fêtes de Tiurai. Interdiction

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Techniques et outils

Les outils de tatouage traditionnel étaient composés d’un peigne aux dents en os ou en écailles de tortue, fixé à un manche de bois. Les dents étaient trempées dans une encre à base de charbon de noix diluée dans l’huile ou dans l’eau. Autrefois, pour tatouer, on introduisait sous la peau une suie d'un bois calciné maintenue dans la coque sèche d'une noix de coco. Pour obtenir cette Tia Iri, on faisait brûler des amandes de coco et on le diluait dans de l'eau tiède ou de l'huile de coco à l'utilisation. On insérait le tia iri dans la peau grâce à une dent de requin ou un coquillage attaché à l'extrémité d'un « TA » que l'on frappait par petits coups avec un maillet, provoquant l’incision de la peau et la pénétration de l’encre. Le maître-tatoueur tenait toujours dans l'autre main un petit bout de Tapa. Il rangeait toujours ses instruments dans un étui en bambou couvert de tapa. Il était aidé par des assistants pour tenir le tatoué et pour tendre la peau. Les assistants accompagnaient de temps à autre ce rite de chants appropriés. Cette opération était longue et douloureuse. La pratique du tatouage avec des outils traditionnels fut interdite en 1986 par le ministère de la santé pour cause d’une mauvaise hygiène des outils qui étaient fait de bois et d’os et donc mal stérilisés. Les tatoueurs se sont adaptés à la modernité et ils ont détourné l’usage du rasoir électrique en le transformant en machine à tatouer. Ils se sont professionnalisés en acquérant du matériel moderne de tatouage et des autoclaves. La sécurité est poussée jusqu’à utiliser des buses et des aiguilles à usage unique.


Préparation du dessin Le dessin au feutre
Réalisation du tatouage Le tatouage de Maela
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Le tatouage polynésien de nos jours

Le tatouage polynésien revenu au goût du jour devient de plus en plus populaire auprès des jeunes Polynésiens toujours en quête d’un retour aux valeurs culturelles et traditionnelles. Ils considèrent le tatouage polynésien comme marque d’une identité Maohi retrouvée. Les jeunes hommes adultes, ceux pour lesquels se pose le problème de l’intégration à l’ordre établi, sont les premiers concernés par le renouveau du tatouage. Par cette pratique, ils engagent une recherche identitaire et affichent, pour quelques-uns d’entre eux, une rébellion contre le mode de vie européen qui leur est proposé. Ce renouveau du tatouage est d’autant plus vigoureux qu’il ne répond pas à une motivation unique. Ceux qui ont été interrogés sur ce que représentait pour eux le tatouage ont évoqué à la fois le désir d’être beaux, la volonté de contribuer à faire renaître une tradition ancienne et la preuve de leur courage.

De nos jours, de plus en plus de tatoueurs se mettent au style polynésien. Certains privilégient le côté esthétique ; d’autres plus le côté symbolique. On observera que c’est surtout le tatouage marquisien qui revient le plus souvent dans les motifs présentés chez les tatoueurs, car les tatouages tahitiens se confondent avec le tatouage marquisien ; les motifs sont semblables alors que ça n’était pas le cas autrefois. L’engouement pour les tatouages polynésiens a proliféré depuis les années 1980 jusqu’à nos jours et il est désormais possible de se faire tatouer avec un motif polynésien chez n’importe quel tatoueur du monde.

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